BENIN : LE MIRAGE DEMOCRATIQUE ? QUAND LA VITRINE DE L’AFRIQUE DE L’OUEST SE FISSURE SOUS LE CONTROLE D’UN SEUL HOMME

Cotonou la nuit

Le Bénin fut longtemps cité en exemple. Vitrine de la démocratie en Afrique de l’Ouest, pionnier du renouveau constitutionnel des années 1990, il incarnait un modèle d’alternance pacifique et de liberté politique dans une région instable. Mais en octobre 2025, à quelques mois de la présidentielle de 2026, le tableau s’assombrit. Les arrestations, les exclusions de candidatures et la concentration absolue du pouvoir autour du président Patrice Talon font naître une question que beaucoup n’osaient plus poser : le Bénin est-il encore une démocratie ?

De la démocratie exemplaire à la démocratie verrouillée

Le Bénin de 2025 ne ressemble plus à celui de la Conférence nationale de 1990. À l’époque, Nicéphore SOGLO, puis Thomas Boni YAYI avaient su instaurer un pluralisme réel, parfois tumultueux, mais vivant. Aujourd’hui, la mécanique démocratique semble tourner à vide : élections régulières, institutions en place, mais une scène politique corsetée et une opposition réduite à un décor toléré.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Patrice TALON en 2016, les réformes se sont multipliées, officiellement pour « moderniser » le système et « rationaliser » la vie politique. En réalité, elles ont progressivement vidé la démocratie béninoise de sa substance :

  • le parrainage obligatoire pour les candidats à la présidentielle, verrouillant l’accès à la compétition électorale ;
  • le contrôle du Parlement par les formations issues du pouvoir, empêchant toute alternance réelle ;
  • l’alignement du pouvoir judiciaire, devenu un instrument de régulation politique.

L’opposition, muselée, se débat dans un espace étroit où chaque mouvement devient suspect. Le pluralisme s’efface au profit d’un unanimisme feutré.

Le parrainage, une arme institutionnelle

Le mécanisme du parrainage, introduit par la réforme électorale de 2019, devait renforcer la crédibilité des candidatures. En pratique, il est devenu une barrière politique infranchissable.

Les récents événements en témoignent : le duo Renaud AGBODJO – Jude LODJOU, investi par le parti « Les Démocrates » de Thomas Boni YAYI, a vu son dossier rejeté pour un motif technique : un parrainage jugé invalide. 27 signatures valides au lieu de 28. Une seule, et tout s’effondre.

Faut-il y voir une coïncidence ou un signal politique ? Car derrière la technicité des textes, se cache une volonté claire : contrôler l’offre électorale. En écartant subtilement les candidatures gênantes, le pouvoir évite le choc des urnes sans avoir à interdire frontalement.

Le Bénin invente une forme de démocratie régulée, où l’alternance devient un concept administratif, non un acte souverain.

Une opposition décapitée et criminalisée

Le pluralisme béninois réduit à une vitrine sous surveillance : entre arrestations, dissolutions et exils forcés

Les visages de l’opposition sont devenus familiers… par leurs absences.

Reckya MADOUGOU, Joël AÏVO, Sébastien AJAVON, tous ont connu ou connaissent la prison, l’exil ou le silence forcé. Le pluralisme politique s’est mué en prudence stratégique.

La justice béninoise, longtemps saluée pour son indépendance, est désormais perçue comme un instrument disciplinaire.

Les poursuites contre les figures d’opposition, les dissolutions de partis, les intimidations médiatiques composent une mécanique de dissuasion.

Le message implicite est clair : contester le système, c’est risquer sa liberté.

Dans un pays où la peur politique n’existait plus depuis la fin du marxisme, elle renaît, feutrée, mais bien réelle.

Le dialogue TALON-YAYI : réconciliation ou mise en scène ?

Derrière les apparences, un dialogue sous surveillance

Le 24 octobre 2025, le Président Patrice TALON a reçu à la présidence son prédécesseur Thomas Boni YAYI. Le communiqué officiel parlait d’un « dialogue républicain » et d’un « engagement pour des élections apaisées ».

Mais quelle portée réelle donner à cette rencontre ? YAYI, chef du principal parti d’opposition, se rend au palais, quelques jours seulement après que la candidature de son parti a été écartée par la CENA. Coïncidence ?

Pour beaucoup d’observateurs, ce tête-à-tête symbolise moins une réconciliation qu’une normalisation sous contrôle.

TALON, fin stratège, entretient l’image d’un dirigeant conciliant tout en verrouillant méthodiquement l’espace politique. Une politique du « calme apparent », où la stabilité sert de paravent à la restriction progressive des libertés.

Le vrai Talon : technocrate réformateur ou autocrate moderne ?

Patrice Talon fascine autant qu’il inquiète. Homme d’affaires devenu président, il incarne la réussite entrepreneuriale et la rigueur technocratique. Sous son impulsion, le Bénin a connu une amélioration notable des recettes fiscales, des infrastructures modernisées, une diplomatie active et une image d’efficacité.

Mais cette efficacité a un prix : le contrôle absolu.

Des institutions à la presse, en passant par la justice et le Parlement, tout converge vers un centre unique : le Président.

Son modèle, inspiré des logiques d’entreprise, confond parfois gouvernance et gestion, stabilité et uniformité, dialogue et conformité.

Le Bénin de 2025 est performant, mais surveillé. Efficace, mais verrouillé.

Une démocratie sous perfusion

L’Occident continue de citer le Bénin comme modèle de stabilité. Mais derrière les apparences, la démocratie béninoise respire sous assistance contrôlée.

Les élections se tiennent à date fixe, mais sans suspense.

Les partis d’opposition existent, mais sous surveillance.

La presse parle, mais avec prudence.

Le risque, à terme, est celui d’une normalisation de la restriction : un autoritarisme soft, embelli par la rhétorique de la modernisation et de la paix sociale.

Le crépuscule du modèle béninois ?

Le Bénin fut un phare. Aujourd’hui, sa lumière vacille.

Sous le vernis de la stabilité et des réformes se cache un pouvoir centralisé, procédural, où l’opposition devient décorative et la participation électorale symbolique.

La vraie question n’est plus de savoir qui gagnera l’élection de 2026, mais si le Bénin a encore une élection à gagner.

Le pays d’Hubert MAGA, de Matthieu KEREKOU, de Nicéphore SOGLO et de Thomas Boni YAYI doit choisir : redevenir une démocratie de conviction ou s’assumer comme une technocratie autoritaire.

Et si, derrière le « modèle béninois », ne se cachait plus qu’un simulacre poli ?

Le Bénin, jadis, phare démocratique de la région, semble désormais lutter pour rallumer sa propre lumière

LE RÉPUBLICAIN

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