Le rapport 2024 de l’Inspection Générale des Finances (IGF), rendu public ce lundi 27 octobre 2025 par le Ministère des Finances et du Budget, met en lumière les avancées structurelles du contrôle interne de l’État, mais alerte sur un essoufflement préoccupant des moyens humains et budgétaires du principal organe de surveillance des finances publiques.
Un rapport d’État lucide sur les forces et les fragilités du système
Fruit d’une année d’investigation et d’audits minutieux, le Rapport d’activités 2024 de l’Inspection Générale des Finances (IGF) offre un panorama sans complaisance du contrôle des finances publiques au Togo.
Placée sous la tutelle directe du Ministre de l’Économie et des Finances, cette institution clé, créée en 2008 et régie par le décret n°2019-026/PR, demeure l’un des piliers de la bonne gouvernance budgétaire.
Le rapport confirme trois missions majeures d’audit interne réalisées en 2024, essentiellement sur des projets financés par la Banque mondiale : le Projet d’Infrastructures et de Développement Urbain (PIDU), le Projet d’Amélioration de la Sécurité Hydrique (PASH-MUT) et le Projet d’Appui à la Gouvernance et au Développement du Secteur Privé (PAGDSP).
Ces audits révèlent une amélioration notable dans la mise en œuvre des recommandations antérieures, certaines atteignant un taux d’exécution de plus de 90 %, mais soulignent aussi des failles persistantes : retards dans la passation de marchés, faiblesses de suivi documentaire, et carences dans la gestion de la trésorerie et de la maintenance des infrastructures.Comme point positif additif mais très important, il y a la finalisation de l’élaboration du Plan stratégique de l’IGF dont le Gouvernement a accepté le financement par la BAD. C’est un point qui prouve à suffisance l’engagement politique des plus hautes autorités togolaises en faveur de l’élevation de l’IGF au plus haut niveau des standards internationaux en matière d’audit, de contrôle et, surtout, de bonne gouvernance.
Des progrès tangibles mais inégaux
Le rapport relève des avancées techniques importantes dans la mise en œuvre des directives de l’UEMOA sur la gouvernance financière, notamment à travers la validation du Plan Stratégique de Développement 2024-2028 de l’IGF.
Ce plan, élaboré en concertation avec des experts nationaux et internationaux, ambitionne de renforcer la transparence, la sincérité et la redevabilité dans la gestion publique.
Mais la réalité du terrain demeure contrastée : le taux global de décaissement des projets audités atteint 99 % à fin juin 2024, signe d’une exécution budgétaire plus rigoureuse, toutefois freinée par des lenteurs administratives, des lacunes dans la coordination interinstitutionnelle et un déficit de capital humain.
Un déficit structurel de moyens
L’IGF tire la sonnette d’alarme : son effectif de contrôle est aujourd’hui réduit à 8 inspecteurs des finances et 3 vérificateurs, loin des 37 prévus dans son plan initial 2010-2015.
Cette contraction, aggravée par l’absence de revalorisation du régime de rémunération depuis 2009, expose l’institution à un véritable risque de sous-performance structurelle.
L’inspecteur général, M. DJIMBA N. Ibrahima, insiste sur la nécessité d’un rééquilibrage budgétaire et statutaire, afin d’éviter la fuite des talents vers des entités mieux dotées comme l’OTR, le Trésor Publique ou la Cour des Comptes.
Une vigilance accrue sur la gouvernance des projets internationaux
Les missions de l’IGF sur les projets financés par la Banque mondiale ou la BAD ont permis d’identifier plusieurs risques récurrents :
- Retards dans la passation et l’exécution des marchés publics ;
- Manque de traçabilité comptable dans la gestion des fonds décaissés ;
- Absence de suivi environnemental et social sur certains chantiers ;
- Non-conformité dans le recrutement du personnel sur certains projets (notamment le PASH-MUT).
Ces constats ont donné lieu à plus de trente recommandations précises adressées aux ministères et agences concernées, assorties d’un délai d’un mois pour proposer un plan d’action correctif.
Un rôle stratégique dans la stabilité macroéconomique
Le rapport 2024 de l’IGF ne se limite pas à un état des lieux technique. Il s’inscrit dans la vision de la Feuille de route gouvernementale 2025, alignée sur le Plan National de Développement (PND).
Dans ce cadre, le renforcement du contrôle interne et de la gestion axée sur les résultats demeure une priorité pour préserver la crédibilité financière du Togo vis-à-vis des partenaires techniques et financiers.
En participant activement aux instances régionales telles que le Comité d’Audit du Conseil de l’Entente, l’IGF affirme également la place du Togo comme acteur régional de référence en matière de bonne gouvernance financière.
Perspectives et enjeux
Le Ministère des Finances, à travers ce rapport, réaffirme sa volonté de moderniser le contrôle public, d’accroître la transparence et de renforcer la lutte contre la corruption.
Mais pour que cette ambition prenne corps, le renforcement des capacités humaines et financières de l’IGF s’impose comme un impératif catégorique.
« La transparence et la redevabilité ne peuvent prospérer dans la précarité des moyens », conclut le rapport, en appelant à une revalorisation du statut du corps des inspecteurs.

En résumé, le rapport 2024 de l’IGF s’impose comme un miroir lucide de la gouvernance financière togolaise : un système en mutation, discipliné mais perfectible, exigeant dans la méthode mais limité dans ses moyens.
Le Togo, fort de sa stabilité institutionnelle, semble déterminé à hisser ses standards de contrôle et de transparence au niveau des meilleures pratiques régionales.
𝐋𝐄 𝐑É𝐏𝐔𝐁𝐋𝐈𝐂𝐀𝐈𝐍